Le théâtre de la cité > Edito de Thierry Surace

Asseyez-vous sur la lune et regardez le monde. Vu d'en haut, vous pouvez admirer sa beauté, l'incroyable équilibre de toute sa diversité, le fragile contraste de toutes ses différences. Si vous regardez mieux, vous allez voir l'humain, dans sa complexité. L'animal se bat pour son territoire, est prêt à faire la guerre pour des ressources supplémentaires, pour quelques kilomètres à ajouter à son domaine; l'animal invente une société qui peut épanouir son prochain ou le laisser mourir de faim et de désespérante solitude. La bête peut, dans son envie de domination, écraser l'autre, l'emprisonner dans des peurs fabriquées à coup de matraquage médiatique, de manipulation méticuleusement orchestrée... Mais regardez mieux ! Prenez le soin de vous approcher encore.

L'humain sait aussi donner sans recevoir, offrir sans compensation, aider dans le plus grand silence d'humilité.

Posez votre regard plus près encore. Et vous pourrez saisir toute une palette de couleurs : celle des émotions humaines. Vous verrez le lever de soleil d'un sourire d'enfant au réveil, quand il voit son jouet favori; la pluie fine d'une larme versée par un inconnu, par une inconnue, devant une œuvre d'art. Vous apercevrez un ciel de nuit d'été dans un regard rempli d'étoiles, dans l'œil d'un spectateur, d'une spectatrice, qui attend le silence de fin de représentation pour taper dans ses mains et faire gronder, dans un partage, un tonnerre d'applaudissements.

Si vous osez plus de proximité encore, vous sentirez le trac de chaque artiste, niché dans une bouche un peu crispée, une voix qui se libère dans un léger frottement guttural, une goutte de sueur plus salée que l'eau d'une mer libre.

C'est cette proximité d'émotions qui fait l'humain, parfois qui le sauve un peu, dans sa société construite sur une cruauté ou une indifférence.

Il est temps, peut-être de poser votre regard sur l'espoir. Pas en un geste mou de voyeur admiratif... non ! Un regard volontaire qui veut bâtir un monde, au milieu du monde, qui veut le saisir, cet espoir, pour en faire une vie concrète et déterminée.

Le Théâtre de la Cité n'est qu'un beau prétexte. Il est ce lieu de proximité où peuvent se construire les partages. Vous y verrez, dans l'immense diversité de sa programmation, toutes les raisons de rire, de pleurer, de vous sentir vivant, profondément humain.

Alors, si vous n'êtes pas assez rêveur pour vous asseoir sur la lune, nous avons essayé de la décrocher certains soirs, de la poser sur scène, dans le cœur des artistes, juste pour vous permettre de voir le monde d'un peu plus haut.

A vous la charge de prendre cette émotion cueillie, et d'en faire un partage, dans la vie de tous les jours, parce que vous aurez compris que c'est peut-être l'unique bien que nous avons, et qui nous lie tous : l'humain.

Thierry Surace
Président du Théâtre de la Cité